Vente de masque : pharmaciens trompés ?

Vente de masque : pharmaciens trompés ?

Publié le : 13/05/2020 13 mai mai 05 2020

Aux termes de l’arrêt du conseil d’État du 5 mai 2020 les pharmaciens découvrent qu’ils étaient autorisés à vendre des masques aux particuliers depuis le 23 mars 2020 (arrêt du conseil d’État du 5 mai 2020 numéro 44 02 29) un pharmacien et trois médecins ont saisi le conseil d’État pour demander la suspension de l’article 12 du décret du 23 mars 2020, enjoindre au Premier Ministre de préciser et limiter le droit de réquisition des masques de protection.

 Le recours invoque quatre griefs :
  • les dispositions de l’article 12 du décret du 23 mars 2020 dans leur imprécision dissuadent les personnes susceptibles de vendre des masques notamment au public et aux personnels soignants qui en manquent de porter une atteinte grave et manifestement illégale aux droits et au respect de la vie, à la liberté d’entreprendre, à la liberté de commerce et de l’industrie et aux droits de propriété.
  • Les dispositions de l’article 12 ne précisent pas si les réquisitions prévues portent sur le droit de propriété ou le droit d’usage en contravention avec l’article R 22 13–4du code de la défense et L 22 15–1 alinéa 4 du code général des collectivités territoriales donnant pouvoir de réquisition au Préfet et pouvoirs de police au Maire
  • les dispositions contestées ne précisent pas si la vente de masques qui ne font pas l’objet de réquisition est autorisée notamment par les pharmaciens, et plus particulièrement s’agissant des masques importés après le 24 avril 2020 
  • le III de l’article 12 du décret du 23 mars 2020 ne précise pas la définition de la notion de stock visée ni si les stocks concernés sont ceux présents sur le territoire français à la date de l’entrée en vigueur du décret ou ceux présents à tout instant.

Avant d’examiner l’arrêt du conseil d’État du 5 mai 2020 il est rappelé le vote par le Parlement le 23 mars 2020 de la loi instituant l’état d’urgence prévoyant diverses mesures par dérogation au droit commun :

*Réquisitionner les biens nécessaires pour lutter contre l’épidémie de COVID 19
*Instaurer un contrôle des prix des biens nécessaires pour lutter contre l’épidémie
*Prendre toute mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre 
  • Cette loi a été complétée par deux autres textes du même jour :
  • décret du 23 mars 2020 (numéro 2020 293) qui prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de COVID 19 
  • arrêté du 23 mars 2020 (NOR SSA X 2007 86 4 A) qui prescrit les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie 
L’article trois dispose « Des boîtes de masque de protection issues du stock national peuvent être distribuées gratuitement, jusqu’au 15 Avril 2020, (ultérieurement prorogé au 11 mai 2020), avec précisions sur les modalités d’attribution et de délivrance gratuite et ce y compris aux professionnels de santé. »

L’article 12 dispose quant à lui :

I – « Afin d’assurer la disponibilité ainsi qu’un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients dans le cadre de la lutte contre le COVID 19, sont réquisitionnés :
- 1 « Les stocks de masques de protection respiratoire de type FFP deux–FFP trois–N 95–99–N 100–P 95–99–P 100–R95-R99–N 100–détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé. »
2- « Les stocks de masques antiprojections respectant la norme EN14683 détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution
»

III – « Les dispositions du I du II ne sont applicables qu’aux stocks de masques déjà présents sur le territoire national et aux masques produits sur celui-ci. 
Des stocks de masques déjà importés peuvent toutefois donner lieu à réquisition totale ou partielle, par arrêté du ministère chargé de la santé, au-delà d’un seuil de 5 millions d’unités par trimestre par personne morale.
Le silence gardé par ce ministre plus de 72 heures après réception d’une demande d’importation adressée par cette personne ou l’importateur fait obstacle à la réquisition
»


 L’arrêt du 5 mai 2020 rejette comme étant mal fondés l’ensemble des moyens invoqués par les requérants.

Néanmoins concernant les dispositions de l’article 12 du décret du 23 mars 2020 qui auraient pour conséquences d’interdire la vente de masques réquisitionnés sous peine de sanction de six mois d’emprisonnement et 10 000 € d’amende tel que prévu à l’article L 31 36–1 du code de la santé publique, alors que ces masques sont destinés à être distribués gratuitement aux professionnels de santé en application de l’article 5 de l’arrêté du 23 mars 2020, le Conseil d’État précise :

« les dispositions contestées  (article 12 du décret du 23 mars 2020), n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire la vente, pour les modèles en cause, des masques qui ne sont pas réquisitionnés, ces masques peuvent, notamment, être vendus par les pharmacies d’officine eu égard aux dispositions des 5ème  et 23 -ème de l’arrêté du 15 février 2002 fixant la liste des marchandises dont les pharmaciens  peuvent faire le commerce dans leur officine, en sus des modalités » non sanitaires » qui sont désormais visées par le 25 -ème  de ce dernier arrêté modifié » 

Par cet arrêt les pharmaciens découvrent avec stupeur que depuis le 23 mars 2020 ils étaient libres d’importer des masques pour les revendre dans la limite de 5 millions par trimestre et par entreprise.

La stupeur et l’incompréhension est d’autant plus grande qu’une lettre ouverte avait été adressée le 13 avril 2020 par le conseil de l’Ordre National des PHARMACIENS au ministre de la santé dans laquelle il interpellait le ministre de la santé en ces termes : 

« Depuis le début de la crise sanitaire les pharmacies sont à vos côtés pour mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire les orientations relatives à la distribution et au port des masques 
Elles le font, sans défaillir, dans un contexte aggravé par les difficultés d’approvisionnement et l’évolution des recommandations relatives à leur usage.
Le réseau des officines a ainsi répondu présent pour mettre en œuvre les consignes données par votre ministère en garantissant une transparence absolue grâce à la traçabilité hebdomadaire qui a été mise en place, vous permettant ainsi de disposer d’une visibilité en temps réel sur le stock « Etat », dans les officines 
Pour autant en application de ces mêmes consignes les pharmacies d’officine ne distribuent pas de masques chirurgicaux ou FFP2 au public, générant une incompréhension majeure et souvent de l’agressivité, ce qui nécessite de la part des pharmaciens beaucoup de patience, d’explications et de temps.
Cependant, malgré les difficultés d’approvisionnement, certains acteurs vendent ou donnent aujourd’hui des masques chirurgicaux à la population, estimant que la réglementation relative à l’L’importation de ces produits leur permet de le faire en toute légalité… »
« À fin de pouvoir continuer à tenir un discours cohérent auprès des professionnels de santé, de nos équipes mais également des patients, Il est grand temps de disposer d’une position univoque pour l’ensemble des entreprises, exprimant clairement les possibilités de vente laissées à chaque professionnel suivant les catégories de masques
 Dès lors que l’approvisionnement des professionnels de santé de premier recours est garanti, nous demandons de pouvoir assurer une distribution à la population des masques que les officines auront pu se procurer
»

 Dans une réponse du 30 avril 2020 le ministre de la santé se limitait à préciser : 
« Ne sont pas concernés (par l’interdiction de vente du 23 mars 2020) les stocks de masque depuis cette date »

Confronté à une pénurie générale de masques ayant respecté scrupuleusement les directives ministérielles le Conseil National de l’ordre des pharmaciens réclame « un état des lieux » et la gratuité des masques pour les personnes fragiles sur prescription.

Madame Carine WOLF-THAL, Présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens fait part de l’incompréhension des pharmaciens :
« L’État nous a demandé depuis le début de bien contingenter ces masques un par un, pour bien les réserver aux professionnels de santé.
 Le message a été reçu et scrupuleusement respecté
»
 
Madame la Présidente demande concernant les masques chirurgicaux :
 « Faisons un inventaire, estimons quels sont les besoins des professionnels de santé et voyons ce qu’il reste à mettre dans les grandes surfaces »

 La dotation pour les professionnels de santé est de 18 masques par semaine, chirurgicaux ou FFP2 professionnels dans un contexte de stocks qui restent insuffisants.

Par arrêté du 25 avril 2020 et parallèlement à la délivrance de masques chirurgicaux et FFP2 pour faire face à la pénurie les pharmacies peuvent délivrer des masques non sanitaires, masques réutilisables, des masques grand public ou alternatifs et des masques chirurgicaux à usage unique.

Le prix des masques non sanitaires est prévu être encadré et assujetti à un taux de TVA réduit, reconnus de ce fait comme produits de première nécessité. (Arrêté du 07/05/2020 NOR CPAE 2011014A)

Ces masques sont homologués et ne correspondent pas aux masques intitulés entre guillemets « maison »

 Cette décision est destinée à sécuriser le déconfinement en renforçant la protection de la population. 

Selon le Conseil de l’Ordre National des Pharmaciens cette délivrance s’accompagnera de conseils sur le port du masque et d’un rappel des gestes barrières qui restent primordiaux.

Les masques FFP 2 restent quant à eux strictement réservés aux professionnels de santé.

Enfin depuis le 4 mai 2020 les pharmaciens, comme les enseignes de la grande distribution, sont autorisés à vendre au grand public des masques chirurgicaux provenant de leur propre stock, en priorité aux personnes fragiles ou à risque (décret du 2 mai 2020 numéro 22 20–506 venant compléter le décret du 23 mars 2020 numéro 2020–293O)

Or en réalité et comme le précise le Conseil d’État dans son arrêt du 5 mai 2020 les pharmacies d’officine avaient déjà le droit de vendre des masques chirurgicaux au grand public, hors stocks réquisitionnés, depuis le 23 mars 2020.

Les Pharmaciens ont-ils été trompés ou à minima mal informés sur l’étendue de leurs droits par leur ministre de Tutelle, la question pourra être légitimement posée à l’heure du bilan sur les réponses apportées et les mesures prises pour répondre à un contexte d’épidémie d’un virus inconnu.

Un point positif peut être retenu de cette crise sanitaire, l’ensemble du système sanitaire a souffert mais tenu bon par le dévouement de l’ensemble de tous les partenaires médicaux et paramédicaux.

Espérons que la population se souviendra de ce dévouement

Par Martine MONTAL
 

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